Bâtir l’architecture et la ville : des écoles en leurs territoires ? (XXe – XXIe siècles)

Appel à communication Axe 2 TEMP

Bâtir l’architecture et la ville : des écoles en leurs territoires ? (XXe-XXIe siècles)

Appel à contributions pour une journée d’étude en février 2022, ENSA Strasbourg

Journée d’étude associée à la célébration du centenaire de l’ENSA Strasbourg et à l’exposition « L’école d’architecture de Strasbourg (1921-2021) : une douce modernité en Alsace ? » (aux Archives de la Ville et de l’Eurométropole)

Organisation : Gauthier Bolle (Mcf. ENSAS, ARCHE), Amandine Diener (Mcf. Institut de Géoarchitecture, Laboratoire Géoarchitecture / associée à ARCHE), Nicolas Lefort (ARCHE), avec la collaboration de Cécile Rivière (doctorante ENSAS-ARCHE).

Conseil scientifique : Ana bela de Araujo (Mcf. ENSA Marseille), Caroline Bauer (Mcf. ENSAP Lille), Mireille Bouvet (Inventaire général du patrimoine culturel, Grand-Est), Anne-Marie Châtelet (Pr. ENSAS), Laurence Chevalier (Mcf. ENSAP Bordeaux), Maxime Decommer (Mcf. ENSA Bretagne), Richard Klein (Pr. ENSAP Lille), Dave Lüthi (Pr. Université de Lausanne), Karine Thilleul (Mcf. ENSA Nancy), Alexandra Pignol (Mcf. ENSA Strasbourg).

Dans la première moitié du XXe siècle, la création d’écoles régionales d’architecture, « antennes » locales de l’École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) de Paris jusqu’en 1968 (1), a permis le développement de plusieurs foyers régionaux d’enseignement. Souvent héritières d’enseignements préexistants au sein d’écoles municipales des Beaux-Arts, sont créées ainsi des écoles à Rouen (1904), puis à Rennes, Lille, Marseille, Montpellier (1905), Lyon (1906), Strasbourg (1921), Grenoble (1925), Bordeaux (1928), Toulouse et Alger (1940), Nancy (1943) et Nantes (1945). Après 1968 et la fin de la section architecture à l’ENSBA, de nouveaux établissements sont fondés sous le nom d’unités pédagogiques qui, s’ils sont davantage autonomes dans leur gestion de l'enseignement, demeurent cependant sous la tutelle d’une administration centrale. Alors que plusieurs monographies d’écoles ont été engagées ces dernières années(2), visant à éclairer notamment le contexte de leur création et leur évolution au cours du siècle à partir de sources écrites et orales souvent inédites, cette journée d’étude est dédiée à une double analyse : celle de l’empreinte intellectuelle, culturelle et bâtie de ces écoles sur environnement régional voire au-delà, et celle des perméabilités entre ces lieux d’enseignement et la sphère professionnelle.

En 2021, l’École d'architecture de Strasbourg célébrera le centenaire de sa création, par laquelle l’État souhaitait affirmer la puissance de l’École des beaux-arts face aux écoles techniques allemandes, en prônant une culture architecturale nationale. Son inauguration fut ainsi accompagnée en 1922 d’une exposition intitulée « L’œuvre des architectes de l’École française du milieu du XVIIe siècle à nos jours ». Cent ans plus tard, l’exposition « L’école d’architecture de Strasbourg (1921-2021) : une douce modernité en Alsace ? » interroge le bilan de la contribution apportée par cette école et ses acteurs sur le terrain local. Cette exposition offre un regard croisé entre la formation dispensée à l’École et la production bâtie de ceux qui en sont issus ou qui y ont enseigné depuis 100 ans. Quatre phases chronologiques illustrent les logiques à l’œuvre : le poids de l’héritage classique porté par des acteurs de l’administration des bâtiments civils et des monuments historiques tel Robert Danis, premier directeur de l’école (3) ; l’oscillation voire l’association entre traditions régionales et tentation moderne chez ses élèves, qui prennent les rênes de l’école et du milieu professionnel local après la Seconde Guerre mondiale, à l’instar de Gustave Stoskopf (4). Puis, les années 1970 marquent une période de crises et de bouillonnements dans le sillage de 1968 : l’école change de visage avec le recrutement de nouveaux enseignants issus d’autres formations et venus d’ailleurs (de Paris ou de l’étranger). De nouvelles disciplines font leur apparition, portant un regard autre, issu des sciences sociales, sur les environnements bâtis. Enfin, depuis la fin des années 1980, l’affirmation de la recherche et l’ouverture internationale accrue de l’école demeurent associées à la formation et la présence forte d’architectes actifs sur le terrain local.

Afin d’engager une logique comparative, cette journée d’étude invite à analyser l’héritage de ces écoles sur leurs territoires de leur création jusqu’à nos jours, à travers les parcours de leurs acteurs (enseignants, élèves, diplômés), l’évolution des milieux (milieu professionnel, réseaux) ou encore celle des formes architecturales et urbaines. Alors que l’historiographie de l’architecture a souvent mis en lumière des déclinaisons ou incursions locales du Mouvement moderne, nous proposons d’inverser la logique en partant de l’analyse du « local » afin d’observer les évolutions et effets de réception singuliers qui traversent ces « foyers ». Il s’agit donc d’interroger les interactions entre les sphères pédagogiques, professionnelles et culturelles en examinant la production des écoles entendue dans un sens large (bâtie, intellectuelle, culturelle…).

L’appel à contributions est ouvert à des approches plurielles notamment d’ordre historique ou sociologique et il encourage également l’observation de la période contemporaine. Les propositions de communication doivent s’inscrire dans l’un des trois axes proposés, et peuvent aussi couvrir plusieurs de ces champs de questionnements :

 

Axe 1 / Des modernités « régionales » ?

Au sein de cet axe, il s’agit d’observer les conditions d’hybridation des processus de modernisation (influences éventuelles du Mouvement moderne) à la persistance de traditions locales en examinant la production bâtie, urbaine ou théorique.

Dans quelle mesure et selon quelles conditions l’expression architecturale développée s’inscrit-elle dans l’affirmation d’une culture locale ? Comment la question des modèles régionaux, particulièrement vivaces à certaines périodes, a-t-elle perduré au XXe siècle et jusqu’à nos jours ? Quelles sont les relectures de traditions locales effectuées par les architectes ? De quelle manière le discours de modernisation – porté par les écrits d’architectes ou les revues professionnelles par exemple – est-il articulé à ces questions ?

L’analyse de situations transfrontalières, multiculturelles ou soumises à des influences croisées serait particulièrement bienvenue ici afin d’examiner la circulation, l’évolution ou la pérennité de certains modèles et archétypes régionaux.

 

Axe 2 / Vues d’ailleurs

Cet axe propose de nourrir la réflexion à deux niveaux, élargissant la focale au-delà du terrain de rayonnement local des écoles considérées. D’une part, il invite à l’étude des effets d’un cadre administratif centralisé, au fil du siècle, sur le monde de l’enseignement comme sur le secteur de la construction. Comment les réformes et les procédures dans ces deux domaines ont-elles permis de renouveler le paysage institutionnel et le paysage construit ? D’autre part, il propose de considérer l’apport d’acteurs « extérieurs », architectes parisiens ou d’ailleurs venant pratiquer ou enseigner dans une région donnée, en regardant les modalités de leur venue et de leurs collaborations sur le terrain local. Les effets de l’internationalisation du milieu de l’enseignement est également une piste féconde d’interrogation, en questionnant particulièrement la réception la réception locale des idées comme des pratiques de ces enseignants.

Enfin, à l’instar de la carrière exemplaire de Roland Schweitzer (5), menée en grande partie en dehors du giron alsacien, il serait aussi pertinent d’examiner les effets « d’exportation » d’architectes du cru lorsqu’ils s’éloignent de leur terre d’origine. On peut aussi, par ce biais, questionner la constitution, les effets de diffusion et de médiatisation de groupes ou d’écoles de pensée nées au sein de lieux d’enseignements.

 

Axe 3 / De l’école aux chantiers

Ce dernier axe porte plus spécifiquement sur les rapports entretenus entre l'enseignement de l’architecture et la profession. La porosité entre la production des élèves et le milieu local pourra être observée au travers de plusieurs aspects, notamment l’ancrage des projets sur des sites réels ou inspirés par des chantiers en cours ou récemment achevés. En effet, quel est l’impact de l’actualité de la production bâtie à l’échelle locale sur les travaux des élèves, notamment les diplômes, tant d’un point de vue esthétique, technique que programmatique ? Les travaux d’élèves sont-ils l’expression d’une activité professionnelle engagée durant les études, et rattachée à la figure d’un maître ? En cela, traduisent-ils des collaborations qui se nouent entre élèves et enseignants, et sont-ils réalisés ?

Les relations entre enseignement et profession pourront par ailleurs être observées par le biais des réseaux qui, constitués parfois dès les bancs de l’école, se consolident au sein d’agences, de collectifs mais aussi de structures institutionnelles ou de sociabilités (Ordre des architectes, syndicats, CAUE ou maisons de l’architecture notamment). Comment naissent et se développent, par-delà le milieu scolaire, ces collaborations ?

Enfin, il s’agira d’interroger la manière dont des enseignements sont mobilisés par les architectes dans l’exercice même de leur production. Constate-t-on des inflexions théoriques et bâties de maîtres à élèves ? Les effets de générations, ou de filiations de pensées, s’expriment-elles à l’occasion des projets architecturaux ?

 

Modalités de remise des propositions

Les propositions sont à envoyer pour le lundi 5 juillet 2021, aux adresses suivantes : gauthier.bolle@strasbourg.archi.fr, amandine.diener@univ-brest.fr, nicolas.lefort68[at]orange.fr, cecile.riviere[at]strasbourg.archi.fr

Elles se composeront d’un argumentaire d’une page environ, accompagné de la mention des sources mobilisées et d’une bibliographie succincte, ainsi que d'une courte présentation biographique.

Le retour sur les propositions retenues se fera début septembre 2021.

 

---

 

1. Amandine Diener, Enseigner l’architecture aux Beaux-Arts (1863-1968). Entre réformes et traditions, Presses universitaires de Rennes (à paraître).

2. Dominique Amouroux (dir.), Le livre de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes, Gollion, Infolio, 2009 ; Anne-Marie Châtelet et Franck Storne (dir.) avec la collaboration de Bob Fleck et d’Amandine Diener, Des Beaux-Arts à l’Université, enseigner l’architecture à Strasbourg, Éditions Recherches, Paris, 2013 ; Enrico Chapel et Constance Ringon, L'enseignement de l'architecture à Toulouse : prémices d’une histoire, Paris, Archibooks , 2020 ; Marie-Jeanne Dumont et Antoine Perron, UP8. Pour une pédagogie de l’architecture, Paris, Zeug/Énsa-PB, 2020 : Philippe Dufieux (dir.), L’École d’architecture de Lyon, un manifeste architectural, Lyon, Libel, 2020.

3. Nicolas Lefort, « Les services d’architecture de l’État, des départements et des communes en Alsace et Lorraine après leur retour à la France : réorganisation et recrutement (1919-1939) », Études de lettres [En ligne], 1, 2017[http://journals.openedition.org/edl/972].

4. Gauthier Bolle, C.-G. Stoskopf (1907-2004), architecte : les Trente Glorieuses et la réinvention des traditions, Presses Universitaires de Rennes, 2017 ; « De l’École régionale d’architecture de Strasbourg au milieu local ; figures, acteurs, réseaux (1945-75) », Carnet du Comité d'histoire du Ministère de la culture [En ligne], avril 2017.[http://chmcc.hypotheses.org/3036]

5. Roland Schweitzer, Roland Schweitzer,Un parcours d’architecte, Paris, Arsign éditions, 2014.