La sorcière, entre objet historique et icône féministe

Événement passé
Journée d'études Axe 4 ACL

Regards scientifiques sur l’utilisation d’une figure fascinante

 

2 juin 2023
MISHA - Salle de conférences

Université de Strasbourg
vendredi 2 juin 9h 18h
salle de conférence de la MISHA et en visioconférence :
https://bbb.unistra.fr/b/sim-xt7-zi7-bmn

 

Comité scientifique et d'organisation

Antoine FOLLAIN (ARCHE UMR3400)
Mathilde HAENTZLER (CRESAT UR 3436)
Sophie JOLY-FROMENT (LPC UR 4440)
Maryse SIMON (ARCHE)
Clémence VIAL-DETAMBEL (ARCHE)

 

 

PROGRAMME 

9h Introduction 

9h15 Maryse SIMON docteure en histoire des religions Université de Strasbourg (UMR3400 - ARCHE) :
Enjeux et pertinence de l'expertise historique 

 

1. Problématique et historiographie 

9h30 Maxime GELLY-PERBELLINI doctorant en histoire médiéval EHESS (UMR 8558 – CRH) et Université libre de Bruxelles :
Historiographie des liens entre sorcellerie et féminisme

9h45 Andreea MARCULESCU Assistant Professor Université d’Oklahoma (États-Unis) :
Comment faire une histoire féministe de la sorcière ?

10h Maureen BAL doctorante en sciences politiques Université de Bordeaux (UR 7434 – IRM) :
La réception de la figure de la sorcière par les écoféminismes français et étasuniens : quelles divergences ? 

 

2. Construction de la figure iconique

11h15 Thaïs BIHOUR docteure en histoire de l’art contemporain Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne (UR 4100 – HiCSA) :
Circé la magicienne au prisme de la Grande Guerre, allégorie d'un militarisme orgiaque et aveugle ?

11h30 Aude CHATELARD docteure en histoire romaine Université de Strasbourg (UMR 7044 – Archimède) :
Venefica : avant la sorcière, l'empoisonneuse

11h45 Maureen ATTALI docteure en histoire et anthropologie religieuses, post-doctorat à l’institut d’histoire théologique de l’université de Berne :
Lilith, « reine des sorcières » : les ambiguïtés du réinvestissement féministe de figures féminines mythiques

 

3. Utilisation et récupération 

14h Sosthène IBOUANGA docteur en anthropologie Université de Côte-d’Azur (UPR 7278 – LAPCOS) :
Les représentations de la femme dans le discours sorcellaire au Gabon 

14h15 Enzo LE GUIREC doctorant en études japonaises Université Lyon-3 (UR 4186 – IETT) :
La Légende de Himiko, intermédialité et territorialisation de la sorcière japonaise"

14h30 Claire LAPIQUE doctorante en sociologie Université de Strasbourg (UMR 7363 – SAGE) :
La figure de la sorcière au regard des inégalités de genre et épistémique dans le contexte mexicain

 

4. Expertise scientifique 

15h45 Rita VOLTMER professeure d’histoire Université de Trier/Trèves (Allemagne) :
The witches of Silvia Federici or how feministic myths  of the 19th and 20th century are surviving 

16h Lucie POUCLET doctorante en sciences de l’information et de la communication Université Lyon-2 (UR 4147 – ELICO) :
La ré-activation de la figure de la sorcière à l’heure des réseaux sociaux : mise en scène de croyances magiques et esthétique "witchy"

16h15 Sarah FERBER Associate Professor of History, de l’Université de Wollongong (Australie) :
Expertise historique pour l'étude de la figure de la sorcière  

17h Martine OSTORERO professeure en histoire médiévale, professeur associée Université de Lausanne :
Conclusions. Réhabilitations et utilisation de la figure iconique de la sorcière 

 

RÉSUMÉ

La figure de la sorcière s’est construite à partir de croyances issues de l’imaginaire humain depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. En Occident, la « chasse aux sorcières », selon l’expression consacrée, est initiée au Moyen Âge. Mais c’est l’époque moderne qui a condamné judiciairement et massivement ces femmes pour crime de sorcellerie dans un phénomène historique de grande ampleur. Cette répression issue d’une criminalisation progressive a produit une image complexe de la sorcière, parfois présentée comme une figure militante d’un féminisme forgé à l’aune d’interprétations polémiques très contemporaines. Comme beaucoup de médias l’affichent aujourd’hui, la sorcière est-elle réellement pacifiée, réhabilitée, dûment ou indûment récupérée à des fins de revendications sociétales ou abusivement exploitée pour servir des desseins vengeurs exprimés comme tels ?

 

ARGUMENTAIRE

Cette figure est utilisée de façon récurrente dans de nombreux espaces géographiques et se décline sous des aspects très différents selon les époques et les cultures, exerçant une fascination qui attire souvent les regards de façon irrésistible, qui subjugue par ses aspects aguichants ou qui peut paralyser le recul et la critique nécessaires à une étude prudente et approfondie.

La question de la définition de la sorcière est essentielle pour recenser la diversité des cas présents dans le temps et l’espace. La sorcellerie ne se décline pas qu’au féminin, comme la présence d’hommes l’atteste dans des proportions variables selon les régions (80% en Normandie à l’époque moderne). Le nombre de cas est un sujet continuellement révisé au vu des archives nouvellement exploitées, et également débattu suivant les interprétations ou extrapolations parfois exagérées pour étayer des thèses allant jusqu’à la manipulation. La célèbre militante écoféministe américaine qui se revendique sorcière, Starhawk, avance le chiffre de 9 millions de condamnations.

Se pose alors la question de la légitimité à utiliser la figure de la sorcière. Les acteurs et actrices d’un militantisme contemporain s’affichant par exemple comme wicca ou éco-féministes, entre autres mouvements très nombreux, prônent la réhabilitation des cas historiques judiciaires, et présentent la chasse aux sorcières comme un modèle absolu de féminicide. L’Ecosse et la Catalogne ont officiellement réhabilité en 2022 des milliers d’accusées avec une forte publicité médiatique. Que signifient les demandes actuelles de réhabilitation d’accusées dont la mort remonte pour certains à un demi-millénaire ?

Ce sujet dans l’air du temps fait état d’une récupération par des non-experts (journalistes, écrivain(e)s, influenceuses, « magiciennes » professionnelles – tireuse de cartes, « witch » avec un don de voyance, d’ensorcellement…) qui peuvent être animés par des objectifs mercantiles ou par un gain de notoriété. Une certaine confusion des genres peut parfois même se rencontrer au sein de la recherche universitaire. L’exemple de Jules Michelet qui a forgé dès 1862 l’image fantasmée d’une sorcière rebelle qui lutterait avec des desseins féministes avant la lettre, montre la persistance de cette interprétation qui érige la sorcière en symbole de revendications parfois anachroniques. Les chercheurs faisant preuve d’expertise et de compétences méthodologiques pour étudier un fait historique sont-ils les seuls aptes à pouvoir produire une analyse et une interprétation du phénomène ? Quelles sont les conditions nécessaires pour faire autorité en la matière ?

Cette journée d’études propose d’interroger avec un regard universitaire multidirectionnel la validité des arguments présentés pour démontrer que la sorcière est une icône féministe. Les éclairages scientifiques et historiographiques pourront mettre en lumière un débat d’actualité grand public souvent très polarisé autour d’une figure qui fascine de façon quasi systématique. La sorcière interroge ainsi les chercheurs de disciplines aussi variées que l’histoire, l’histoire de l’art, la théologie, la philosophie, la psychologie, la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie, les sciences de l’information et de la communication ou la littérature, sans être exhaustif.

La réflexion interdisciplinaire portera sur un espace géographique étendu à l'aire d'influence de mouvements féministes actuels œuvrant à l’échelle local ou mondial, incluant l’ensemble des espaces européens, américains, africains, asiatiques et océaniens, et sur un temps large qui englobe les quatre périodes historiques.

 

CONTACTS

collectif JE.sorciere.strasbourg[at]gmail.com

Maryse Simon maryse.simon[at]unistra.fr