Présentation
Ce programme, co-dirigé par Alexandre Sumpf, est financé par l'Agence nationale de la Recherche (2013-2015).
Le projet s’organise en deux axes complémentaires visant l’étude du cinéma en URSS comme phénomène industriel, artistique, commercial et social, autour des enjeux de production, de diffusion et de réception des images. Le premier axe « Produire des films en temps de guerre » consistera à mettre en lumière la mutation de l’industrie cinématographique plongée dans la guerre et dans l’analyse des nouvelles images reflétant les conflits. Le second axe, intitulé « la guerre des images », se concentrera sur la question de la propagande, qu’elle soit à destination des populations de l’intérieur de l’URSS ou des publics étrangers.
L’AXE 1 « Produire des films en temps de guerre » constitue le moteur du projet : établir une histoire inédite du cinéma soviétique mobilisé en temps de guerre. Il s’agit de la partie lourde du programme en terme de dépouillement d’archives papier et film dans plusieurs nations de l’ex URSS. Cet axe se découple en deux aspects étroitement liés : établir un inventaire des productions filmiques achevées (Base de données) et étudier l’histoire des transformations de l’industrie cinématographique (système de commande et de censure ; conditions économiques et matérielles). Celles-ci seront mises en perspective sur la base de 4 « case studies » : TsOKS (studio unifié d’Alma-Ata où furent évacués Mosfilm et Lenfilm), CSDF (studio central des films documentaires) à Moscou, d’Ukraine, studio de Lettonie. Une base de données à plusieurs entrées (Films, Studios, Professionnels) sera élaborée et rendue accessible sur Internet. Dans un second temps, on procédera à une analyse des processus d’élaboration de la représentation de la guerre, depuis les années du conflit jusque dans les productions documentaires ou fictionnelles de l’immédiat après-guerre. On s’attachera ici particulièrement à l’image du combat, à l’examen des types de héros, à la représentation de l’espace, à l’image des atrocités et des victimes. L’étude des images de la Shoah à l’Est filmées par les opérateurs soviétiques constitue l’un des principaux défis du projet. Mener à bien ces deux tâches offrira pour la première fois aux chercheurs de la communauté internationale une vision globale et synthétique d’un pan entier d’histoire du cinéma et d’histoire soviétique à la fois.
L’AXE 2 « la guerre des images » interrogera les usages des images cinématographiques dans un contexte de guerre totale puis de guerre froide. Il s’agit ici d’images de tout genre (fiction, documentaire, actualités, animation) et de toute provenance : produites par l’industrie soviétique réorganisée, fabriquées par l’occupant allemand en Ukraine, saisies dans les nations occupées par l’Armée rouge (films « trophées » – objet d’une étude spécifique), importées dans le cadre du Prêt-bail ou tournées en exil après-guerre par les réfugiés ex soviétiques (lettons). Il conviendra de distinguer les destinataires visés : la population de l’empire multinational soviétique et celle de l’Europe ou des États-Unis en guerre. Il faudra aussi être sensible à la hiérarchisation des publics – décideurs, experts ou catégories envisagées de spectateurs. Enfin, il s’agira d’être attentif à la périodisation : l’un des enjeux de l’après-guerre est le public de l’Europe conquise par les armes ou séduite par la propagande soviétique. L’histoire entrecroisée de la circulation des images étrangères à l’intérieur de l’espace soviétique et des images soviétiques dans l’espace européen constitue un autre des défis du projet. Les produits cinématographiques s’adaptent en fonction des consommateurs, de même que ceux-ci réagissent aux images montrées. Il faudra donc évaluer la place accordée au cinéma au sein d’un système, tout sauf univoque, de productions imprimées, sonores et visuelles.
Manifestations
Exposition, du 9 janvier au 27 septembre 2015, au Mémorial de la Shoah.
" À l’occasion du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de l’ouverture des camps par les Alliés, le Mémorial de la Shoah consacre une exposition dédiée aux images, pour la plupart inédites, filmées par les Soviétiques sur l’ensemble du front Est.
Entre 1941 et 1945, des centaines d’heures de film ont été tournées par les opérateurs soviétiques sur le front Est. Organisées afin de dénoncer la barbarie nazie et d’attester auprès de l’opinion internationale l’ampleur des massacres et des destructions commis par l’occupant, ces prises de vues ont révélé aux yeux du monde et témoignent encore aujourd'hui de la réalité et de l'ampleur de la Shoah.
Arrivant du front Est, les Soviétiques ont été les seuls à pouvoir filmer les traces de la Shoah dans toute son ampleur, sa systématicité et la variété des modes de mise à mort.
Comment ont été tournées, montées et projetées ces images en URSS pendant la guerre ? Que nous apprennent sur la Shoah ces films pour la plupart inédits ? " [source : Mémorial de la Shoah]