L’historiographie de l’architecture sous l’angle des transferts culturels

Axe 2 TEMP

Appel à communications pour la journée d’étude doctorale d’Histoire de l’architecture,

Strasbourg, Ensas/Unistra, 2 février 2018

 

L’Historiographie de l’architecture sous l’angle des transferts culturels

 

Dans une perspective transnationale, nous proposons d’étudier l’historiographie de l’architecture au prisme des circulations et des transferts culturels. Formulés par Michel Espagne et Michael Werner[1]dans les années 1980 pour analyser les échanges franco-allemands, les transferts culturels nous invitent à observer et étudier les processus d'importation et d’assimilation des comportements, écrits, idées, valeurs, concepts et nouvelles façons de penser.

Il faut souligner que transférer « ce n’est pas transporter, mais plutôt métamorphoser[2] ». Lorsqu’un objet culturel sort de son contexte d’origine, il peut donc changer de signification. Ainsi la journée propose de centrer le débat sur les transferts[3] et les circulations transnationales dans l'historiographie de l'architecture, tout en identifiant les dynamiques de « re-sémantisation » dans ce domaine. Si les transferts culturels ont déjà été abordés dans l’histoire de l’art les travaux dans le domaine de l’historiographie de l’architecture restent plus restreints. Dans le cas de l’historiographie de l’art, citons notamment les travaux de Michel Espagne[4], de Béatrice Joyeux-Prunel[5], d’Émilie Oléron-Evans[6] et de Michela Passini[7]. Au-delà du regard sur les discours, ces historiens ont analysé l'historiographie de l'art sous le prisme des transferts culturels et des circulations transnationales de modèles et savoirs.

C’est l'auteur du terme « transfert culturel », Michel Espagne, qui a utilisé le premier cette approche dans ses travaux sur l'histoire de l'art. Dans la publication consacrée aux transferts culturels franco-allemands, il aborde les questions liées à la consolidation de la discipline au XIXe siècle, en soulignant en particulier l'itinéraire intellectuel de l’historien de l'art Carl Justi. Dans L'histoire de l'art comme transfert culturel. L'itinéraire d'Anton Springer, il a approfondi cette démarche et, à partir des déplacements de Springer, exposé les circonstances de la genèse de la discipline de l’histoire de l'art dans le contexte germanique et européen.

Citons également les travaux de Béatrice Joyeux-Prunel qui étudie les perspectives transnationales des mouvements de l'art d'avant-garde parisienne, et d’Emilie Oléron-Evans qui aborde quant à elle les travaux de Nikolaus Pevsner entre Allemagne et Angleterre. Ces deux recherches mettent l'accent sur les questions d'échanges, de circulation et de transfert, brisant la logique des territoires nationaux dans la production de l'histoire de l'art et l'analyse des récits historiques.  Les recherches de Michela Passini sont à relever, car elles portent également sur l’analyse transnationale de l’histoire de l’art et son historiographie. Selon l’auteur, pour qui l’histoire de l’art est une discipline transnationale par excellence, « l'approche transnationale est un puissant antidote contre la tentation téléologique. Dès qu’on s’attache à retracer les circulations d’information dont se nourrit la construction des œuvres et des méthodes, les mythologies des « pionniers », de l’unicité de leur pratique, du primat de leurs intuitions volent en éclats[8].

A partir de ces travaux et en ce consacrant à l’historiographie de l’architecture, cette journée doctorale entend aborder les itinéraires d’auteurs et d’historiens, le rôle des réseaux professionnels dans les processus d’écriture, l’interférence des médiateurs dans le processus d’élaboration de traductions. L'objectif est d’étudier et de questionner, de diverses manières, le statut et les méthodes d’écriture de l’histoire de l'architecture, en considérant la diversité des genres historiographiques – ouvrages, revues, périodiques, manuels, publications didactiques des cours d’architecture, y compris leurs traductions – et les multiples méthodes de diffusion. Il s’agit alors de considérer le champ théorique de l’épistémologie de la discipline à partir d’une approche historique culturelle.

La journée propose de réunir des doctorants et jeunes docteurs en histoire, histoire de l’architecture, histoire de l’art et sciences sociales dont les travaux s’intéressent « aux histoires » de l’architecture à travers cette approche transnationale et circulatoire. La richesse de cette journée d’étude se fera par la diversité des sphères géographiques et chronologiques.

 

Nous proposons deux principaux axes de réflexion pour cette journée d’étude :

  • Réseaux professionnels

Cet axe entend étudier le rôle des réseaux professionnels dans le processus d'écriture « des histoires » de l'architecture à travers les transferts culturels transnationaux. Dans quelle mesure les réseaux professionnels de différentes aires culturelles ont-ils contribué à la formation des discours architecturaux ? De quelle manière les voyages, les migrations ou encore les relations professionnelles ou privées ont-ils contribué à transférer, dans le sens de métamorphoser, des idées, des concepts ou des méthodes ? Comment les transferts et le processus de re-sémantisation se sont-ils déroulé ?

L’implication des différents acteurs dans le processus d’écriture est également à questionner. Par exemple, quels ont été le rôle des médiateurs (commanditaires, éditeurs, traducteurs), des institutions (universités, écoles d’architecture, musées, associations professionnelles) et des lieux de rencontres (congrès, colloques, rencontres biennales, centre des recherches) dans la construction d’une histoire de l’architecture ? Autrement dit, quel est l’impact des transferts culturels sur l’écriture de l’histoire de l’architecture ?

  • Diffusion/réception et discours

Le second axe de cette journée d’étude interroge la diffusion et la réception de publications marquées par des transferts transnationaux.

Comment un même ouvrage peut être réceptionné de façon différente en fonction du pays ou de la région dans laquelle il est publié ? Quels sont les causes et les enjeux de ces changements de signification des discours et dans quelle mesure les transferts, notamment les intermédiaires à ces transferts, ont un impact sur la réception d’un ouvrage ou d’un texte ? Quelles sont les conséquences des transferts culturels sur les discours historiques de l’architecture ?

 

Les propositions se composeront d’un argumentaire d’environ une page et seront accompagnées d’une bibliographie et d'un court CV. Elles devront être envoyées conjointement à

 

- Anne-Marie Châtelet (Ensas/Arche) chatelet.schmid[at]wanadoo.fr

- Marianna Cardoso (Arche) mariannagpc[at]gmail.com

- Florence Lafourcade (Arche) florence.lafourcade[at]hotmail.com

- Hélène Jannière (Université Rennes 2) helene.janniere[at]univ-rennes2.fr

- Jean-Baptiste Minnaert (Université Paris-Sorbonne) jean-baptiste.minnaert[at]paris-sorbonne.fr

 

Date limite d’envoi des propositions : 1 décembre 2017

Notification d’acceptation aux auteurs : 10 décembre 2017

Tenue de la journée d’étude : 02 février 2018

 

Cette journée d’études est proposée dans le cadre du séminaire doctoral proposé par Anne-Marie Châtelet (Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg), Hélène Jannière (Université Rennes-2) et Jean-Baptiste Minnaert (Université Paris-Sorbonne).

Elle est organisée par les doctorantes Marianna Cardoso et Florence Lafourcade du Laboratoire ARCHE (EA 3400) Arts, civilisation et histoire de l'Europe de l’Université de Strasbourg avec un soutien de la Fondation Capes du Gouvernement du Brésil.

 

[1] Michel Espagne et Michael Werner, « La construction d'une référence allemande en France 1750- 1914. Genèse et histoire culturelle », Annales ESC, juillet/août 1987, p. 969-992 ; Michel Espagne et Michael Werner (dir.), « Transferts. Les relations interculturelles dans l'espace franco-allemand (XVIIIe-XIXe siècles) », Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, 1988.

[2] Michel Espagne, « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres

 [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 01 mai 2012, consulté le 06 octobre 2017. URL : rsl.revues.org/219 ; DOI : 10.4000/rsl.219

[3] Sur des différentes approches de la notion voir notamment : Béatrice  Joyeux-Prunel, « Les  transferts  culturels.   Un  discours  de  la  méthode », Hypothèses, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, 1 (6), p. 149-162.

[4] Michel Espagne, Les transferts culturels franco-allemands, Paris, Presses universitaires de France, 1999 ; L’histoire de l’art comme transfert culturel : l’itinéraire d’Anton Springer, Paris, Belin, 2009 ;

[5] Béatrice Joyeux-Prunel, Les avant-gardes artistiques. Une histoire transnationale, 1848-1918,Paris, Gallimard, 2016 ; Les avant-gardes artistiques. Une histoire transnationale, 1918-1945,Paris, Gallimard, 2017.

[6] Émilie Oléron-Evans, Nikolaus Pevsner, arpenteur des arts: des origines allemandes de l’histoire de l’art britannique, Paris, Demopolis, 2015.

[7] Michela Passini, La fabrique de l’art national : le nationalisme et les origines de l’histoire de l’art en France et en Allemagne, 1870-1933. Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2012 ; L'oeil et l'archive Une histoire de l'histoire de l’art, Paris, Éd. de la Découverte, 2017.

[8] Michela Passini, L'oeil et l'archive Une histoire de l'histoire de l’art, Paris, Éd. de la Découverte, 2017.